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6 novembre 2022 7 06 /11 /novembre /2022 17:30

La Cantine

 

drôle de nom pour un libre-service en métaux lourds. Historiquement une Poudrerie d'état, puis un abattoir et écologiquement une pollution potentielle au plomb, au soufre et surtout aux nitrates, avec le nitrate de potassium (voir ci-dessous)

 

En effet il ne faut pas se leurrer de la présence de ces composés chimiques dans le sol et le sous-sol, puisque il semble qu'aucune dépollution n'a été réalisée durant les décennies récentes (une voie express recouvre la partie nord de l'emplacement de cette poudrerie, et qu'à l'époque de son tracé peu se souciait des conséquences écologiques). Et l'action des eaux de ruissellement et des eaux pluviales a favorisé l'extension de ces composés chimiques dans une zone étendue, en direction de la mer. Quid des algues vertes!

Quand on sait qu'un projet d'urbanisme y est prévu d'une part et qu'une plage est en contrebas d'autre part, cela fait froid dans le dos, et surtout cela fait prendre conscience de la légèreté des décisions qui sont prises. A quels niveaux? Cela ne nous regarde pas...

 

 

Que fabrique une Poudrerie d'état?

 

Qui dit Poudrerie dit poudre noire pour les canons!

 

La poudre noire, parfois dénommée poudre à canon ou poudre à fusil, est le plus ancien explosif chimique connu. De couleur noire, elle est constituée d'un mélange déflagrant de soufre, de nitrate de potassium (salpêtre) et de charbon de bois.

 

Inventée en Chine probablement vers le IXe siècle, la poudre noire s'est progressivement diffusée en Europe et en Asie jusqu'au XIIIe siècle. Utilisée pour les canons et les fusils, c'était le seul explosif chimique connu jusqu'au XIXe siècle.

 

Aux XIVe siècle et XVe siècle, la composition était (en masses) : 6 parties de salpêtre (75 %) pour une partie de soufre (12,5 %) et une partie de carbone sous forme de charbon de bois (12,5 %).

 

Mais ultérieurement, on trouve des compositions variables selon les usages.

 

Par exemple (pourcentages massiques) :

 

Pour que la combustion se déroule efficacement, le soufre et le charbon doivent être broyés en poudres fines (moins de 80 nanomètres), avant de le mélanger avec un moulin à billes. Par la suite, un mélange de nitrate de potassium et d'alcool est ajouté et le tout est mélangé dans un mélangeur pour obtenir un mélange très homogène. Enfin, le mélange est séché à basse température et doucement réduit en poudre à l'aide d'un pilon. On obtient une poudre noire qui brûle comme un flash.

 

L'équation de la combustion de la poudre à canon (charbon 15 %, soufre 10 %, salpêtre 75 %) est la suivante :

 

10 KNO3 + 4 S + 2 C7H3O → 5 K2O + 3 H2O + 4 SO2 + 12 CO + 2 CO2 + 5 N2
 

Mais en plus il y a du plomb. Pourquoi?

 

La boîte à mitraille (ou biscaïen) était utilisée comme projectile pour les canons dans les batailles rangées jusqu'aux guerres napoléoniennes. Il s'agit d'un cylindre rempli de balles de plomb que l'artilleur glissait dans le fût du canon. Au moment du tir, les balles étaient violemment éjectées et fusaient par centaines, causant d'énormes pertes dans les rangs des troupes visées.

 

Les canons à l'époque de Napoléon avaient une portée d'environ 250 mètres avec ce type de projectile. Pour un canon de 12 cm de 1859, la boîte de 20 cm de haut et de 12 cm de diamètre était en zinc avec 98 balles en fer à l'intérieur.

 

1

 

Le plomb comme contaminant de l'environnement

 

Le plomb compte avec le mercure et le cadmium parmi les trois contaminants les plus toxiques et fréquents de notre environnement.

L'homme a extrait du plomb des minerais et a introduit dans la biosphère (dans tous les milieux) une quantité croissante de plomb, sous diverses formes.

 

Depuis la révolution industrielle, la pollution routière et industrielle, les guerres ainsi que la chasse et la pêche (munitions et agrès à base de plomb), sont à l'origine d'apports de plomb parfois considérables.

 

A titre d'exemple, dans les années 1970 le taux de plomb des glaces du pôle nord avait augmenté d'un facteur 20 environ, à cause de la croissance de la pollution de l'air par le plomb dans l'hémisphère nord (en grande partie à cause du plomb de l'essence).

 

De nombreuses analyses sous-estiment la présence du plomb dans le sol, car faites à partir d'échantillons de sols ou vases finement tamisés ne prennent pas en compte les munitions ou morceaux de plomb. Le plomb peut en outre agir en synergie avec d'autres éléments traces métalliques toxiques ou non et d'autres polluants (organiques ou acides par exemple).

 

Le plomb, le cuivre, le cadmium, le mercure et le sélénium sont aujourd'hui trouvés dans les couches récentes labourées à des taux de +84 % à +225 % plus élevés que dans les sols sous-jacents a priori pas ou peu pollués.

 

Le plomb n'est ni dégradable ni biodégradable. En tant que contaminant du sol, il est très stable : sa demi-vie géochimique, c'est-à-dire le temps au bout duquel la moitié de ce plomb s'est dispersée dans l'environnement, serait d'environ 7 siècles. Il est plus mobile et écotoxique dans les milieux naturellement acides ou touchés par l'acidification anthropique.

 

L’emploi historique du plomb pose des problèmes de toxicité liés à l’absorption de particules de ce métal par les organismes vivants. C’est pourquoi le plomb est dorénavant proscrit pour une certaine gamme de produits : les peintures, les meubles, les crayons et pinceaux pour artiste, les jouets, l’eau et les aliments, les ustensiles de cuisine au contact des aliments, les bavoirs pour bébés et les cosmétiques.

 

Toutefois il est important de savoir que chaque pays possède sa propre réglementation ; ainsi, au Royaume-Uni, les plaques de plomb sont encore utilisées en toiture alors qu’en France, elles sont interdites (hormis dans le cadre de certains monuments historiques on utilise le zinc qui a la même apparence sont. une fois oxydé et qui est beaucoup plus léger). Beaucoup d'usages historiques du plomb ou de ses composés sont désormais proscrits en raison de la toxicité du plomb pour le système nerveux et la plupart des organes vitaux (saturnisme). Il a été récemment montré que − même à faible dose − le plomb a aussi un effet cytotoxique sur les cellules souches du système nerveux central (de même que de faibles doses de mercure).

 

2

 

Nitrate de potassium

 

Les nitrates comme contaminants des eaux et des sols

 

Ecotoxicité des nitrates

 

Les nitrates comptent parmi les produits les plus abondamment dispersés par l'Homme dans l'environnement depuis environ un siècle.

 

L'ion nitrate est bien moins toxique que l'ammoniac non-ionisé, il y a consensus sur ce point. Mais parce qu'il devient omniprésent dans les nappes et les eaux douces (dès la source souvent, dans les régions d'agriculture intensive), le nitrate pose désormais plusieurs grands problèmes écosystémiques et écotoxicologiques :

  1. Quand un milieu aquatique n'est pas naturellement tamponné contre les acides (neutralisation des acides), l'ion nitrate y diminue le pH du milieu et une acidification croissante est alors (sauf contre-mesures) inéluctable. Elle rend en outre les métaux lourds et métalloïdes toxiques plus solubles et plus biodisponibles pour la faune, la flore, la fonge et les microorganismes. Alors que la législation sur les carburants soufrés a permis depuis les années 1990 environ de réduire les pluies acidifiées par le SO2, les nitrates ont pris la place et le rôle joué par le SO2 ou là où les carburants soufrés sont encore utilisés, ils aggravent conjointement leurs effets; les nitrates sont devenus le nouveau facteur préoccupant, et croisant, d'acidification des eaux douces qui a déjà conduit à des « appauvrissements biotiques importantes, en particulier concernant les invertébrés et les poissons, dans de nombreux lacs et cours d'eau acidifiés par des retombées atmosphériques »;
  2. NO3 peut « stimuler ou favoriser le développement, l'entretien et la prolifération des producteurs primaires » (cyanophycées, algues unicellulaire et filamenteuses, lentilles, algues libres, etc.), contribuant ainsi à l'eutrophisation des écosystèmes aquatiques;
  3. Il atteint ou dépasse parfois les seuils de toxicité qui limitent « la croissance, la reproduction ou la survie » d'individus ou d'espèces;
  4. L'azote inorganique des eaux souterraines, de source et de surface « peut également induire des effets néfastes sur la santé humaine et l'économie », d'autant que les milieux aquatiques les plus enrichis en nitrates sont souvent aussi ceux qui contiennent le plus de germes pathogènes et de parasites et/ou vecteurs responsables de zoonoses (cholera, paludisme et autres maladies hydriques). Le recul des poissons dans les zones les plus touchées risque en outre de reporter les pressions excessives de pêche sur les pêcheries encore épargnées ;
  5. Ce double phénomène (eutrophisation + acidification) affecte aussi le cycle du carbone et les puits de carbone; or il survient et prend de l'ampleur alors que le protocole de Kyoto n'a pas enrayé l'augmentation du taux atmosphérique de CO2 et de méthane, et alors que les prospectivistes et les rapports successifs du GIEC augurent d'importants changements géoclimatiques ; la combinaison de ces trois phénomènes pourrait encore dégrader les capacités de résilience des écosystèmes face à ces changements.

 

Toxicité aux stades ovo-embryonnaires et larvaires

 

On a longtemps cru que les organismes d'eau douce (vertébrés ou invertébrés) sont bien plus directement sensibles et vulnérables aux nitrates que leurs homologues marins mais aussi pour pour les larves de nombreuses espèces marines qui se montrent parfois aussi vulnérables aux nitrates que leurs cousins d'eau douce.

 

En eau douce, 10 mg de nitrates par litre d'eau (soit le niveau maximal fédéral pour l'eau potable aux États-Unis) suffit à affecter significativement à gravement — au moins pour des expositions longues — les invertébrés d'eau douce ainsi que des poissons duçaquicoles autrefois communs et des amphibiens.

 

Toxicités directe et indirectes

 

 « la principale action toxique du nitrate est due à la conversion de pigments porteurs d'oxygène en des formes incapables de transporter l'oxygène ». Il existe une toxicité directe (pour les espèces qui y sont sensibles) et plusieurs biais de toxicité indirecte (par exemple liée à l'effet acidifiant du nitrate, et à ses effets eutrophisants qui conduisent notamment à la production de vastes blooms d'algues ou de cyanophycées, de dinoflagellés, de diatomées ou de bactéries toxiques ou capables de sécréter des toxines, qui contribuent à l'entretien ou à l'apparition de plus en plus fréquente de zones hypoxiques puis anoxiques aussi dites zones mortes. La décomposition des animaux morts et des algues des marées vertes conduit aussi à la production de sulfure d'hydrogène, toxique pour la plupart des espèces.
 

 

Des bactéries peuvent transformer les nitrates en nitrites et inversement ; il faudrait donc aussi tenir compte du fait que la forme nitrite de l'azote inorganique est également écotoxique. Elle l'est fortement pour de nombreuses bactéries, et à partir de 60 mg/l pour le planaire Polycelis felina.

 

3

 

Le soufre comme acidifiant des milieux

 

Brûler du charbon, du pétrole et du gaz a modifié le cycle mondial du soufre en acidifiant l’air, les pluies, la mer, les sols et les écosystèmes (via les émissions de dioxyde de soufre et de soufre réactif).

 

En 2020, d’importantes quantité de soufre sont encore aussi introduite dans le sols cultivées via certains engrais et pesticides, avec des cascades d'effets écologiques à long terme « majeurs mais sous-étudiée », « similaires pour la santé du sol et des écosystèmes aquatiques en aval à celles observées dans les régions historiquement touchées par les pluies acides ». L'étude du cycle du soufre implique d’aussi étudier « les rôles intégrés du climat, de l'hydrologie et d'autres cycles d'éléments dans la modification des processus et des flux du soufre à l'intérieur et en aval des zones de sources agricoles » en impliquant des scientifiques, mais aussi des agriculteurs, des autorités de régulation et des gestionnaires des terres engagés dans la transition vers l'agroécologie21.

 

Les carburants sont maintenant plus ou moins dessoufrés, mais « la modification anthropique du cycle du soufre est loin d'être terminée ». Après avoir épuisé les hydrocarbures facilement accessibles, l'industrie d'extraction des ressources fossiles se tourne vers les hydrocarbures non conventionnels qui sont souvent encore plus riches en soufre (et en autres contaminants) que les hydrocarbures conventionnels. Dans le même temps, la réglementation évolue et devrait imposer à la marine marchande (actuellement responsable de 75 % des émissions d'oxyde de soufre (SOX) d'utiliser des carburants beaucoup moins soufrés. Le soufre ne semble donc pas faire partie des minéraux qui risquent de manquer ; au contraire, il risque dans les sols agricoles d'être excessivement présent.

Extrair d'un article signé Sabine Niclot-Baron dans Ouest-France du 06 novembre 2022

Extrair d'un article signé Sabine Niclot-Baron dans Ouest-France du 06 novembre 2022

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